Bienvenue en France
Un petit article pour relayer une curieuse affaire qui -j'ai beau me frotter les yeux, se passe bien en France en 2008 (simple rappel Philippe Pissier est surtout connu sur la toile ésotérique pour être l'un des meilleurs traducteurs d'Aleister Crowley)
26 octobre 2008
Chers amis, chers lecteurs et, surtout, chères admiratrices.
Comme vous le savez sans doute déjà, je me trouve actuellement au centre d’une affaire grotesque où je suis censé risquer trois ans de prison ferme et 75.000 euros d’amende.
Je
récapitule les faits. J’envoie, en mai ou juin 2008, quatre cartes
postales destinées à une exposition d’Art Postal (ou « Mail-Art »),
intitulée « Erotic Moments », organisée par Mr Mark Falkant (Sodener
Str. 20 / 65779 Kelkheim / Allemagne). Il s’agit de collages effectués
à partir de cartes postales du bon village de Castelnau-Montratier, et
de vieilles photos d’une petite amie, prises vers 1991-92, où celle-ci
porte, ô incommensurable horreur, des pinces à linge sur les seins
(deux ou trois sur chaque, pas de quoi fouetter un chat, sans jeu de
maux).
Je
les envoie, sans les mettre sous enveloppe, ainsi que font les puristes
de l’art postal. Après tout ce que j’ai vu passer comme Mail-Art à
caractère sexuel en 25 ans de pratique, je ne pouvais concevoir
qu’elles posent problème.
Elles finissent par en poser un. Le Directeur de
Je
prête peu attention à l’affaire, bien que désormais en possession du
numéro de téléphone du susdit Directeur. Je n’ai pas le temps de
l’appeler pour le réconforter ou me pencher sur mes problèmes. Je
travaille en effet depuis neuf mois à l’élaboration du Premier Festival
International de Mail-Art de mon village : les fameuses « Rencontres de
l’Art Postal » (blog : http://montratier.canalblog.com).
A
quelques jours de l’inauguration de ce festival, ô surprise, je reçois
une convocation m’intimant de me présenter en les locaux de la
Gendarmerie de Castelnau-Montratier en raison d’un « dossier me
concernant ». J’y vais, et me retrouve auditionné, dans le cadre d’une
enquête préliminaire, par des gens qui ne feront pas l’effort, ou
n’auront pas la décence, de se présenter (c’est bien plus tard que
j’apprendrai qu’il s’agit de la Brigade de Recherches de la Gendarmerie
de Cahors). L’on me pose tout d’abord des questions relatives à ma vie
professionnelle… on m’exhibe mes cartes postales (sous scellés), en me
déclarant « qu’on » a porté plainte contre moi en usant de l’article
227-24 du Nouveau Code Pénal, lequel stipule que : « Le fait soit de
fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et
quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou
pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité
humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans
d'emprisonnement et de
Je
réplique : « La boîte aux lettres est majeure, le facteur et les
employés du centre de tri aussi, et encore idem pour ce qui est du
destinataire. »
Et
mon interlocuteur de me donner cette réplique historique : « Oui, mais
imaginez que le facteur ait vos cartes à la main, qu’il les fasse
tomber, et qu’à ce moment passe un mineur qui les voit. Susceptible de.
La loi, c'est la loi. »
Authentique. Ca laisse sans voix.
Dans
le même registre de crédibilité, l’on pourrait tout autant concevoir
qu’une soucoupe volante pleine d’aliens – susceptibles d’exister –
passe au-dessus de la boîte aux lettres, use d’un rayon dématérialisant
pour subtiliser la carte postale, puis d’un second rayon pour la
rematérialiser dans une école maternelle. Susceptible de.
L’on
continue à m’interroger, à m’interroger, encore, encore, encore et
encore. On veut tout savoir de ma vie privée. On me demande l’identité
de mes modèles. De mes maîtresses. On me questionne sur mon état de
santé. On me demande même si je suis franc-maçon… et ceci, et cela…
avec une inénarrable affabilité… et une maîtrise de soi que ne
renieraient point Houdini ou les maîtres hindous…
Puis, on me laisse le « choix », démocratique comme une bulle du Pape, entre une garde à vue et un assentiment de perquisition.
Je choisis la perquisition, pour deux raisons. La première : nous sommes le 3 juillet. Notre festival s’ouvre le 15, dans douze jours, et je suis en pleine finition, en train de régler les derniers détails. Je ne veux pas perdre de temps inutilement. En outre, seconde raison, bien qu’appréciant les pratiques sado-masochistes, je n’ai pas une immense envie de passer la nuit en compagnie de ces braves gens, et de cet anneau fixé dans le mur à trente centimètres du sol – lequel, assurément, ne saurait porter gravement atteinte à la dignité humaine.
Quelle
erreur ! Car après avoir évidemment « retourné » mon appartement (pour
trouver quoi, d’ailleurs, le « corpus delicti » - les cartes postales –
étant d’ores et déjà en leur possession), on m’embarque l’ordinateur –
mon fidèle iMac, plein de mes contacts et de mon travail, prêts à
grossir les fichiers totalement illégaux de
Les jours passent. Je réussis à monter ce festival de Mail-Art grçace à l’aide prévue ou inattendue de nombreux habitants du village ou des environs (merci Olivia, merci Jean-Phi, merci Fred, merci Steph, merci Marta, merci Olivier, merci Boris, Merci Monika, merci Karine, merci Nathalie, merci Yohan, merci Laurent, et merci ceux que j’oublie, vous fûtes extraordinaires…), mais c’est là tâche ardue, je suis sous tranquillisants pour tenir le coup. En effet, tout mon programme, le listing des œuvres à exposer et de celles encore à encadrer, les contacts de nos invités (dont deux venant de Belgrade, Srdjan Kamperelic et Ana Milovanovic), tout est dans l’ordinateur saisi (dans le but d’y trouver des cartes postales violant l’article 227-24, n’en doutons point).
Evidemment, la matinée du 15, vingt minutes avant l’inauguration, deux gendarmes viennent visiter l’exposition (sans prendre de tickets d’entrée), sans doute pour vérifier la bonne moralité d’icelle.
En dépit de toutes ces péripéties, l’événement a lieu et connaît un certain succès. Ce ne sera pas – bien sûr – ce que cela aurait dû être. Mais l’Association au sein de laquelle j’œuvre, la RGBD, ne perdra pas d’argent.
Le festival se clôt le 20 juillet. Après celle-ci, je prends du repos. Le 26 août, je vois mon avocat, Maître Baduel, du barreau de Paris. Nous décidons du système de défense, et la riposte s’enclenche.
Il est clair que toute la procédure de la maréchaussée était totalement abusive, illégale. Tout est parfaitement incroyable dans cette affaire : emploi abusif d’un article du Nouveau Code Pénal (le 227-24, Jacques Toubon dixit, n’a jamais été conçu dans le but de poursuivre des artistes), procédure abusive, viol de la vie privée. En outre, Mme la Substitut du Procureur répond aux journalistes que « l’enquête se poursuit ». Mais enquête sur quoi ? Si plainte a été déposée contre moi en usant du 227-24, les autorités possèdent le « corpus delicti » (les cartes postales), le mobile (l’exposition en Allemagne), et l’affreux coupable (moi). Ou alors, c’est que l’on enquête sur autre chose. Et, en clair, il s’agirait alors du détournement d’une procédure elle-même initialement abusive…
Peu à peu, l’affaire se médiatise, d’abord dans la presse locale (merci à Florian Moutafian de « La Dépêche du Midi »), régionale (« L’Echo »), nationale avec entre autres les articles de L.L. de Mars in « CQFD » et d’Agnès Giard sur le blog de « Libération ». La presse internationale ne tarde pas à suivre (« The New Yorker » aux USA, « El Universal » au Mexique », etc.). « France Info » nous interviewera peu de temps après, mon avocat et moi-même. FR3 s’en mêle et je passe aux régionales les 6 et 7 octobre. Un blog de soutien, animé par divers dessinateurs de presse, se crée (http://soutienpissier.canalblog.com/).
Nous en sommes là.
Je ne crois pas qu’il faille baisser les bras, même si de tels agissements semblent hallucinants dans une prétendue démocratie. Et j’ai bien dit « prétendue ».
Me filer un coup de pince ?
Un Comité de Soutien se monte en la bonne ville de Cahors.
Son adresse : Comité de Soutien à Philippe Pissier, c/o Libraithèque « Le Droit à la Paresse », 68 rue Saint-James, 46000 Cahors, France. Tél. 05.65.22.01.51. Contact : Michel Guillaumin, 06.79.89.13.18. miguillaumin@wanadoo.fr
Dans
la phase actuelle, celle de la médiatisation, le plus utile est de
faire circuler au maximum sur la Toile les divers articles et textes
relatifs à cette affaire.
Merci de bien avoir voulu lire ce long – mais nécessaire - récapitulatif de ma mésaventure.
Philippe Pissier, 19 octobre 2008.
Diverses sources : http://pissierarchives.canalblog.com/archives/p10-10.html
http://soutienpissier.canalblog.com/
http://fr.youtube.com/watch?v=He45aioz9is
http://www.paganguild.org/pissier/